PARIS : Open Diplomacy – Atomisés comme jamais
Voici une semaine s’ouvrait le G7 sous présidence japonaise.
Un G7 si particulier, où les chefs d’Etat et de gouvernement se sont rassemblés dans l’une des deux villes qui fut atomisée.
Atomisée. Un adjectif qui a fait l’Histoire mais qui est très contemporain. La Russie vient de déployer des ogives nucléaires en Biélorussie. La menace nucléaire maintes fois agitée par les dirigeants russes prend une nouvelle tournure : la doctrine de de « sanctuarisation agressive » des territoires annexés illégalement en Ukraine se met en place face à la contre-offensive à venir.
Atomisée. Un adjectif terrifiant. Il n’y a jamais eu d’images plus évocatrices de l’horreur que celle du champignon nucléaire planant comme le spectre d’une civilisation entière au-dessus de centaines de milliers d’âmes éliminées d’un seul tir.
Atomisée… N’y-a-t-il aujourd’hui pas meilleur adjectif également pour décrire la coopération internationale ? Ce concept physique nous renvoie non seulement à la menace militaire ultime, mais également à la fragmentation politique la plus fine.
Le G7 n’est plus un sommet « au coin du feu », à l’image de son premier rendez-vous, à Rambouillet, sous l’égide du président Giscard d’Estaing. Exit la promesse d’une gouvernance économique mondiale. Le G7 est désormais bien plus que cela : c’est la panik room du monde.
Tous les défis les plus brûlants y sont discutés. Des dérives géopolitiques russes à la polarisation du monde empêchant une lutte efficace contre les dérèglements climatiques… tout y passe. Effondrement de la biodiversité. Risque de pandémies à répétition. Régulation des Big Techs face aux promesses sans limites ni éthique de l’IA. Panik room réunie à minuit moins deux.
Dans la panik room, « the elephant in the room » est visible : la communauté internationale est atomisée. Alors le G7 prend sa part. Il invite à sa table l’Indonésie, l’Inde et le Brésil, qui gèrent la présidence tournante du G20 de 2021 à 2023. Il invite l’Ukraine pour que les non-alignés se rendent compte de ce que signifie l’impérialisme russe.
Impérialisme. Voici le parfait antonyme du multilatéralisme. Voici la raison pour laquelle la Société des Nations fut atomisée : « dans le jeu du droit et de la puissance », il ne fait aucun doute que le fait géopolitique précède toujours la justice internationale. Pire, il la façonne. Voilà une leçon de l’Histoire qu’il faut garder en tête quand nous voyons sous nos yeux se dérouler crime d’agression, crimes de guerre et peut-être même crimes contre l’humanité.
Atomisés comme jamais. Ce qui est vrai dehors est aussi vrai dedans. Aussi polarisée que la communauté internationale se trouve, aussi fracturée s’en retrouve notre communauté nationale.
Mais il y a un peu d’espoir. À petite échelle. Une échelle atomique. C’est ce qui a réuni la Communauté française pour l’« Agenda 2030 » lors de la Conférence contributive que l’Institut Open Diplomacy organisait ce lundi. L’objectif était précis : enrichir la Revue Nationale Volontaire des ODD que le Gouvernement présentera aux Nations unies en juillet. Nous étions environ 193 pour phosphorer, tracer des perspectives, écouter des initiatives exemplaires, chercher collectivement à accélérer et amplifier la grande mutation qui permettra de faire advenir la « France Nation Verte ».
Nous étions ce lundi rassemblés comme jamais ; mais nous étions conscients du moment inédit qui se jouait par-delà les murs de notre Conférence contributive : le monde, lui, est atomisé comme jamais.
Qui pourrait oublier que la paix est le fondement du développement durable ? Nous avons donc une double bataille à mener : aider l’Ukraine à battre l’impérialisme, et protéger par tous les moyens le multilatéralisme.
Faute de quoi, en 2030, nous serons plus loin de la réalisation des ODD qu’en 2015, quand ils furent adoptés à l’unanimité par l’Assemblée générale des Nations unies.
Thomas Friang
Fondateur | Directeur général de l’Institut Open Diplomacy