PARIS : Lentille de Fresnel – Une innovation française au service des marins du monde entier
Bicentenaire de la lentille de Fresnel.
La lentille de Fresnel : de la réflexion à la réfraction pour l’éclairage des côtes du monde
Une innovation française au service des marins du monde entier
À la fin du xviiie siècle la France ne dispose que d’une quinzaine de phares. En 1790, le premier feu tournant, constitué de 12 réflecteurs paraboliques en cuivre et actionné par un mécanisme de rotation, est placé sur le phare de Cordouan. Si le système de rotation séduit notamment les Britanniques, la portée lumineuse de cet appareil fonctionnant par réflexion est décevante. En 1819, François Arago, physicien, professeur à l’École polytechnique et membre de la Commission des phares, engage des tests comparatifs entre les meilleurs réflecteurs français et anglais.
Ces tests sont faits sur l’arc de Triomphe de Paris, alors en cours de construction. Pour l’aider dans son travail, il recrute un jeune savant, Augustin Fresnel, polytechnicien et ingénieur des ponts et chaussées, qui constate que les réflecteurs paraboliques absorbent une grande partie de la lumière et n’en réfléchissent qu’une faible partie. Dès lors il va avoir l’idée d’utiliser des lentilles de verre pour réfracter la lumière et éviter ainsi les déperditions. Le 29 août 1819, Augustin Fresnel propose à la Commission des phares de tester une lentille à échelons.
Cette dernière lui ouvre le 31 octobre un budget pour la réalisation d’un prototype. Dans son mémoire sur un nouveau système d’éclairage des phares, Augustin Fresnel écrit « Il ne m’a pas fallu de longues réflexions pour songer à faire des lentilles à échelons et à les composer de plusieurs morceaux. Ce qui m’a le plus occupé, ce sont les moyens d’exécution, pour lesquels j’ai été parfaitement secondé par le zèle et l’intelligence de M. Soleil, opticien, qui a entrepris la construction de ces grandes lentilles ».
En mars 1820, Fresnel et Soleil présentent un premier modèle destiné à former l’un des panneaux d’un tambour dioptrique tournant. Cette lentille est présentée à la Commission des phares qui donne son accord pour la réalisation des sept autres panneaux. En parallèle, Arago et Fresnel travaillent sur l’amélioration de la source lumineuse. Après de nombreux tests, la grande lampe à mouvement d’horlogerie construite par l’horloger-mécanicien Wagner est prête à être placée au centre de l’optique.
Le 20 août 1822, l’appareil lenticulaire, destiné à l’éclairage du phare de Cordouan, à 8 panneaux et feux tournants grâce à un système de roulement à galets et une horloge de Wagner qui règle le mouvement de rotation, est installé sur l’arc de Triomphe à Paris et est testé pour la première fois. Les membres de la Commission des phares qui se sont rendus à Notre-Dame de Montmélian, située à 32 km de l’arc de Triomphe, constatent la puissance de ce nouvel appareil malgré des circonstances atmosphériques plutôt défavorables.
En juillet 1823, Fresnel va installer l’ensemble de son système innovant en haut du phare de Cordouan. Le 25 juillet 1823 il le teste in situ. C’est un large succès, les marins des deux rives de l’estuaire de la Gironde s’accordent à « reconnaître la grande supériorité de cet appareil d’éclairage par réfraction par rapport à l’ancien éclairage par réflexion ».
Deux ans plus tard, en 1825, la Commission des phares adopte le rapport préconisant la construction d’un système général pour l’éclairage des côtes de France. Après quelques réticences à l’étranger, le dispositif de Fresnel est très vite adopté. Aujourd’hui la lentille de Fresnel n’a pas uniquement révolutionné la signalisation maritime mondiale, mais s’invite également dans le quotidien des Français.
En effet, la lentille se retrouve dans la fabrication des projecteurs de cinéma, des rétroprojecteurs, des panneaux photovoltaïques, dans les miroirs de caisse des supermarchés ou encore dans la lunette à l’arrière des bus, nécessaire pour la vérification des angles morts.